Programme 2022 Erosions#2

 

Discours d’inauguration du cycle Erosions#2

Jeudi 6 octobre à 18h30

Bienvenu-es à toutes et tous pour cette première soirée du 2ème cyle Erosions. Nous sommes tous-tes les cinq membres du collectif Erosions, qui inclut également une 6ème personne qui n’a pas pu venir aujourd’hui.

On est très content-es de vous voir et de pouvoir vous accueillir dans cette grande salle ce soir pour vous parler d’un sujet brûlant d’actualité : l’écologie. Après un été de sécheresse inédite et la menace explicite d’une crise énergétique pour cet hiver, on peut dire que notre cycle de discussions autour de l’écologie politique arrive à point nommé. Il est vrai que ces dernières années, l’urgence écologique climatique fait l’unanimité, dans les médias, dans les discours des politiciens, et même dans les repas de famille, après avoir été refoulée pendant des années, considérée comme une lubie de hippies ou de bobos. Pour la première fois, les pays occidentaux voient arriver chez eux les conséquences concrètes de leurs façons de produire de la richesse, qui consiste à exploiter la planète, les animaux et les humains pour créer de la “valeur”. Cette réalité est devenue tellement banale que nous n’avons plus besoin de la décrire. Nous ne jouerons donc pas ici aux apprentis climatologues pour prouver scientifiquement la crise planétaire dans laquelle nous nous trouvons. D’une part, parce que nous en serions bien incapables, d’autre part, car ce n’est pas le terrain sur lequel nous voulons vous emmener.

Si nous avons décidé d’organiser le cycle Erosions, c’est pour parler d’écologie politique depuis les luttes anticapitalistes, depuis nos expériences personnelles et celles de nos camarades militants. L’idée d’organiser ce cycle est venue du constat que ces voix sont souvent noyées dans la profusion de discours sur l’écologie, alors qu’elles nous paraissent être un bon point de départ pour se confronter à la crise actuelle. Déjà au XIXème siècle, la pensée écologiste émerge en prenant en partie racine dans la critique anticapitaliste. Dans les années 1970, elle refait surface avec force dans les luttes antinucléaires et les préoccupations pour l’avenir de la planète. Les militants et les penseurs de l’écologie politique ont donc depuis longtemps énoncé des questions qui valent pour la plupart encore aujourd’hui.

Très récemment en France, cette même écologie est revenue sur le devant de la scène avec de nouveaux mouvements d’émancipation, celui des ZAD et autres occupations de terres contre des grands projets inutiles, et celui de la génération climat, qui a manifesté par milliers, organisé des grèves, attaqué des symboles de la destruction du vivant, et porté sa voix jusqu’aux hautes sphères du pouvoir. Cette nouvelle génération se confronte à l’écologie politique de façon très concrète, en prenant des risques, en découvrant les joies et les embuches de l’organisation collective, et en affutant son analyse au prisme de ses propres expériences. Nous nous situons dans sa continuité, et nous souhaitons avec Erosions partager ces voix plus largement à Grenoble, puisqu’il se trouve que nous habitons la ville “la plus écolo de France”.

Et oui, si le sujet de l’écologie est devenu central, il l’est à Grenoble encore plus qu’ailleurs. Notre mairie se targue d’initier la transition écologique et sociale avant tout le monde, et leur vision de l’écologie est quelque peu hégémonique par ici, compte tenu de leurs moyens de communication et, il faut le reconnaitre, de la faible visibilité de nos propres visions de l’écologie politique anticapitalisme. Le cycle Erosions a donc également été pensé dans sa dimension très grenobloise, et nous voulions même au départ le présenter au printemps 2020, pendant la campagne des élections municipales, afin de profiter de l’ouverture médiatique sur les questions écologiques pour faire entendre nos voix et partager d’autres devenirs que celui proposé par la mairie de Grenoble. Ceci a bien entendu été foudroyé par la pandémie du Covid. Forcés de remettre nos ambitions à plus tard, nous avons reporté le cycle à l’automne 2020, puis une seconde fois à l’automne 2021.

L’année dernière, nous avons donc enfin pu inaugurer notre cycle de discussions autour de l’écologie politique, et on espère que certains d’entre vous l’apprennent ce soir, parce que ça voudrait dire qu’on aura réussi à ouvrir à un public plus large que l’année précédente.

Au départ, Erosions a été pensé autour de 3 fils thématiques : 1/”Leur écologie”, ou les critiques de l’écologie dominante, technocratique et capitaliste, 2/”Notre écologie”, pour une écologie sensible et anticapitaliste ; et 3/ le fil désurbanisme autour des expériences de lutte et de l’histoire de notre territoire.

Cette année, notre collectif s’est renforcé en accueillant deux personnes de plus, et nous avons décidé d’organiser un deuxième volet du cycle Erosions plus conséquent, qui reprend nos fils thématiques originels.

– Le fil de la critique de l’écologie dominante part du constat qu’aujourd’hui, toute la classe politique et économique se déclare “écologiste”. Ceci brouille les pistes et donne l’impression que nous avançons tous et toutes d’un même pas pour sauver la planète, alors qu’à nos yeux leur version de l’écologie n’a pas grand chose à voir avec celle qui nous anime. Si l’écologie est multiple, nous voulons alors mener la critique de ses récupérations, ses dérives, ou ses variantes que nous ne partageons pas. L’année passée, nous avons questionné les promesses de la “transition énergétique” et autre croissance verte, ainsi que l’écologie dite “scientifique” ou technocratique, et également l’écologie individualiste des petits gestes quoditiens. Cette année, nous poursuivons ces critiques disséminées le long de différentes conférences, et nous nous intéressons à deux nouveaux éléments de l’écologie dominante, l’écofascisme, qu’Antoine Dubiau étudiera vendredi prochain, ainsi que le rôle des multinationales dans la crise écologique, par le biais de l’intervention de Mickaël Correia, ce samedi.

– Le fil de “notre écologie” met donc en avant la nécessité de construire des alternatives et des luttes tournées vers l’autonomie, l’écologie décoloniale, féministe, et antifasciste. Il ne s’agit pas de prétendre détenir “la recette”, mais de mettre en discussion des thématiques que nous pensons importantes pour aller vers une écologie qui prenne en compte les conséquences sociales de l’organisation de la société et de la production, une écologie qui soit ancrée sur terre, dans des réalités matérielles concrètes et dans les luttes, et une écologie du sensible, qui préserve la vie en nous et autour de nous. Ce deuxième fil thématique de “notre écologie” recoupe ainsi la présentation de ce soir, avec Agathe et Thomas de l’Atelier Paysan qui nous parlerons de leur manifeste pour une autonomie paysanne ; la présentation de dimanche avec les Soulèvements de la terre et les camarades de la Clusaz qui luttent contre la destruction d’une forêt sensée être remplacée par une méga-bassine pour les canons à neige ; l’arpentage de jeudi prochain autour des précurseurs de la décroissance ; et enfin toute la journée de samedi 15, autour de l’écologie décoloniale avec Samir Boumédiene, et de l’écoféminisme avec Jeanne Burgat-Goutal.

– Enfin, le fil désurbanisme sera à l’honneur cette année avec la conférence préparée par deux membres du collectif Erosions demain à la salle rouge, qui nous raconterons comment le capitalisme et son expansion sur le vivant s’est matérialisé à Grenoble depuis la fin du XIXième siècle jusqu’à aujourd’hui ; puis la présentation ce samedi au 38 rue d’Alembert de la lutte actuelle contre le projet de métrocable à Fontaine et Grenoble, qui sous couvert de solution de déplacement écologique prévoit de détruire des terres maraichères et de dépenser des sommes colossales pour acheminer les très choyés travailleurs de la presqu’île scientifique ; et enfin, pour le dernier jour du cycle dimanche 16, nous vous avons concocté une table ronde qui réunie les acteurs locaux des luttes écologiques à Grenoble, afin de saisir ce que veut dire lutter pour l’écologie dans une ville qui s’autoproclame elle-même capitale des luttes sociales comme écolo, et de tenter de construire des perspectives communes pour les années à venir. Car, vous l’avez compris, pour nous l’écologie doit s’inscrire dans les rapports de force. Ce cycle de discussion se veut ainsi une contribution à la réflexion pour ces luttes.

Nous pouvons maintenant profiter des quelques minutes devant nous pour répondre à vos questions si vous en avez, avant de passer à notre première conférence-débat à 19h, en présence de deux membres de l’Atelier Paysan.

 

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Jeudi 6 octobre 2022, 18h

Maison des associations (6, rue Berthe de Boissieux, Gre)
  • 18h : Accueil et présentation du cycle Érosions #2

 

  • 19h : Conférence et débat
    Reprendre la terre aux machines, pour une autonomie paysanne et alimentaire
Face au projet d’industrialisation totale de nos assiettes et de nos champs par la robotique et le numérique, nous ne pouvons pas seulement compter sur les alternatives paysannes : c’est d’une autonomie alimentaire souveraine et anticapitaliste dont nous avons besoin. Avec  l’Atelier paysan, auteur de Reprendre la terre aux machines (Seuil, 2021). 

Vendredi 7 octobre, 18h

La Salle rouge (15, rue des Arts et Métiers, Gre)
  • 18h : Conférence et débat
    Grenoble, un siècle d’expansion capitaliste sur le vivant

Parce que parler d’écologie, c’est aussi connaître le territoire que l’on habite, deux membres d’Erosions se sont attelé·es à retracer l’histoire de la ville de Grenoble, elle-même imbriquée dans l’histoire du capitalisme. Un parti pris qui narre la conquête d’une ville par le monde scientifique, du XIXe siècle jusqu’à aujourd’hui.

Samedi 8 octobre

38 Centre Social Tchoukar (38, rue d’Alembert, Gre)
  • 14h : Présentation
    La lutte contre le métrocâble

Depuis quelques mois, un collectif s’est monté à Grenoble pour s’opposer au projet de transport par métrocâble, imbriqué dans celui plus large des « Portes du Vercors », qui cherche à urbaniser au profit des plus riches tout le Nord-Ouest de la cuvette. Présentation, perspectives, et discussions.

  • 17h : Conférence et débat
    Criminels climatiques

Dans Criminels climatiques (La Découverte, 2022), Mickaël Correia enquête sur les trois multinationales qui émettent le plus de CO2 au monde : Aramco, Gazprom et China Energy. En prenant le contre-pied d’une écologie sans ennemi, le livre pointe les réels responsables du chaos climatique et dénonce les stratégies à l’œuvre pour perpétuer le capitalisme fossile.

Dimanche 9 octobre

Antigone (22, rue des violettes, Gre)
  • 16h : Présentation
    Les Soulèvements de la terre

Dès cet automne, les Soulèvements de la terre amorceront la saison 4 des cycles de luttes paysannes qui ont commencé au printemps 2021. Présentation des nouvelles perspectives concrètes contre l’artificialisation des sols et pour la défense du vivant, et invitation à les rejoindre ensemble depuis Grenoble.

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Jeudi 13 octobre

La Base (17, rue du Dauphiné, Gre)
  • 18h : Arpentages et lectures
    Les précurseur·ses de la décroissance

Arpentages et lectures de textes autour de la pensée de quelques philosophes qui peuvent nous inspirer pour une approche écologique du monde. Ils et elles ont vu la mégamachine se mettre en place : leur lucidité fait écho à nos préoccupations de 2022. Textes de Simone Weil, George Orwell, Hannah Arendt, Günther Anders, Ivan Illich, Maria Mies, Cornelius Castoriadis, André Gorz…

 

Vendredi 14  octobre

Maison de la nature et de l’environnement (5, place Bir Hakeim, Gre)
  • 18h30 : Conférence et débat
    Écofascismes, quand l’extrême-droite s’empare de l’écologie

Contrairement aux idées reçues, l’écologie n’a pas toujours été la chasse gardée des courants politiques d’émancipation. Alors que les idéologies fascistes gagnent du terrain, il convient de s’intéresser aux appropriations concrètes des enjeux écologiques par l’extrême-droite. Avec Antoine Dubiau, auteur d’Écofascismes (Grevis, 2022).

Samedi 15 octobre

Le 102 (102, rue d’Alembert, Gre), en partenariat avec Les Pages manquantes
  • 11h : Brunch-bibliothèque

La bibliothèque Les pages manquantes ouvre ses portes et propose un corpus de livres et de textes sur l’écoféminisme, l’écologie décoloniale et les rapports aux plantes médicinales – autour d’un brunch automnale, d’une farandole de choux salée et sucrée et de boissons infusées. Un moment pour lire, manger, emprunter des livres, discuter, faire la sieste…

  • 14h : Présentation et discussion
     L’empire du paludisme

Après avoir enquêté sur les pratiques médicinales des communautés guyanaises, l’Institut français de recherche pour le développement (IRD) a breveté en 2015 une molécule issue d’un arbre, le Quassia amara, connu pour ses vertus contre le paludisme. En prenant pour point de départ cette affaire récente, on remontera aux liens qui se sont historiquement construits entre l’expansion coloniale et la lutte contre le paludisme. Avec Samir Boumediene, auteur de La Colonisation des savoirs (Les Mondes à faire, 2016).

  • 17h : Conférence et débat
    Être écoféministe, théories et pratiques

Dans son ouvrage Être écoféministe, théories et pratiques (L’Échappée, 2020), Jeanne Burgart Goutal réalise un road trip philosophique pour restituer les différentes approches politiques qui constituent ce mouvement pluriel et inclassable, né il y a plus de quarante ans. Sans faire l’impasse sur les paradoxes et les tentatives commerciales de récupération du mouvement, l’autrice déploie la richesse politique de ces pensées qui lient oppression des femmes et destruction de la nature. Avec Jeanne Burgart Goutal.

Dimanche 16 octobre

Maison des Habitants de Saint-Bruno (10 , rue Henri le Châtelier, Gre)
  • 16h : Table ronde
    Les luttes et l’écologie au pouvoir

Depuis 2014, Grenoble est gouvernée par une majorité qui se pare de teintes vertes, et s’auto-proclame capitale des luttes sociales comme écologiques. On discutera des limites de cet exercice du pouvoir en présence de celles et ceux qui luttent pour l’écologie à Grenoble et ailleurs, histoire de construire des perspectives communes pour les années à venir.

38 Centre Social Tchoukar (38, rue d’Alembert, Gre)
  • 18h30 : Projection
Documentaire surprise !
  • 20h :  Soirée de clôture avec Ch’tite Diaspora